Manufacture de chocolat Alain Ducasse, rencontre avec Nicolas Berger
Manufacture de chocolat Alain Ducasse, rencontre avec Nicolas Berger
mise à jour : Nicolas Berger ne travaille plus à la Manufacture de la Bastille depuis mars 2018. Le tandem Philippe Urweiller (chocolatier-torréfacteur) et Quentin Francis-Gaigneux (artisan chocolatier) le remplace aujourd’hui. La petite manufacture arriverait toujours à approvisionner les désormais 8 boutiques du groupe Alain Ducasse.
Humant les enjeux économiques, les géants de l’agroalimentaire, les chocolatiers industriels se lancent dans la course au rendement. Leur objectif : exploiter des cacaoyers au maximum de leurs capacités de rendement. Des choix faits au détriment du goût et des éco-systèmes puisqu’ils, entre autres choses, fatiguent et appauvrissent les sols. Au Pérou, sous couvert de lutte contre les narcos trafiquants et de politique d’emploi des paysans, certaines régions sont passées de la coca au cacao sans pour autant améliorer les choses. Au bout d’une dizaine d’années d’exploitation intensive les terres fatiguées sont abandonnées. D’autres sont alors défrichées pour recommencer. Le tout se fait bien entendu pour des salaires modiques et non protégés. Heureusement les mentalités évoluent sous la pression du « sustainable » et les grands du chocolat initient des démarches en la matière.
Mais n’oublions pas, les artisans sont là !
Parmi eux, le passionné et passionnant, Nicolas Berger, Chef Exécutif, chocolatier de La Manufacture Alain Ducasse. Un lieu qu’il a entièrement façonné avec le célèbrissime Chef et qui a demandé plus de trois ans de travail.
Nicolas Berger l’homme aux manettes des machines travaille ici et avoue continuer à apprendre chaque jour des failles, des humeurs de ces dames d’un certain âge à l’humeur affirmée. Je vous parle ici, non pas des fèves de cacao, mais des machines qui lui servent à les transformer.
Tout au long de ses journées le Chef fait des essais. Il tente des choses, ajuste, adapte, crée et manage une équipe de 16 personnes aux côtés d’un Alain Ducasse en charge de la direction artistique et de la définition les saveurs.
lieu
Située derrière une imposante grille couleur chocolat, rue de la Roquette, au fond d’une petite cour pavée, se dresse la Manufacture parisienne.
La fabrique de chocolat et sa boutique sont installées en lieu et place d’un ancien garage automobile. 320m² d’ode à l’artisanat, au respect de l’ancien et à la valorisation du…c-h-o-c-o-l-a-t !
Des matières brutes : béton, briques, verre dépoli, fonte, acier … des meubles et des machines anciennes chinés par Alain Ducasse et Nicolas Berger en personne pour le décor. Les portes aux poignées de laiton et les rayonnages proviennent de la Banque de France située à quelques pas, place de la Bastille. Les lampes à suspension proviennent d’un ancien bateau militaire. Les machines industrielles ou semi-industrielles viennent de toute l’Europe et ont été adaptées au besoin du lieu. Ainsi, le torréfacteur Virey Garnier, était à l’origine utilisé pour le café, la trieuse, elle, servait pour des dragées, le moulin lui broyait de la moutarde…
du cacao au chocolat, from bean to bar
L’idée de départ de Nicolas Berger et Alain Ducasse : maîtriser l’ensemble du process de transformation de la fameuse fêve de cacao et proposer un produit d’une exceptionnelle qualité. « From bean to bar » comme aiment à le dire les étatsunisisens.
Outre les voyages qu’il effectue en personne, Nicolas Berger collabore avec deux principaux sourceurs extrêmement pointus et passionnés pour sélectionner ses fèves. Il effectue ses achats environ 6 mois en amont.
Les fèves arrivent par bateau, en container de tous les continents. Elles voyagent avec d’autres matières premières comme le sucre, les épices, les fruits secs. Nicolas Berger me parle avec fierté de ses sacs remplis de fèves venus d’un peu partout avec pour certains des fêveês très rares. Ce grand Criollo de Madagascar tout droit venu d’une exploitation produisant seulement 3 tonnes annuelles lui fait pétiller les pupilles.
Les quantités relativement faibles produites ici, vs les gros couverturiers, permettent de proposer des crus rares d’une très grande qualité. Une qualité, clé de voûte du travail de Nicolas Berger et Alain Ducasse.
Les process transformation et de fabrication présentent quelques spécificités : ici on ne sépare pas le beurre de cacao de la matière sèche issus de la liqueur pour la réintroduire par la suite au conchage comme le fond la majorité des couverturiers. En outre on ajoute seulement 2 à 3% de beurre de cacao vs beaucoup plus chez d’autres. Ici on privilégie, la qualité, le cacao, le goût, les arômes, les textures.
Le saviez vous ?
Le chocolatier fabrique et vend ses réalisations à base de chocolats mais très peu d’entre eux transforment les fêves de cacao.
C’est le couverturier qui s’en charge. Métier peu connu du grand public, il consiste à transformer la fève de cacao en chocolat dit de couverture. Il servira de matière première à la grande majorité des chocolatiers à travers le monde. Ce chocolat de couverture a ceci de particulier qu’il contient une plus grande quantité de beurre de cacao que celui vendu aux particuliers et éventuellement de la lecithine pour une meilleure conservation. De gros industriels dominent ce monde comme Barry Callebaut, des plus petits comme Valrhona, ou encore des artisans comme Pierre Marcolini, Michel Cluizel ou maintenant Alain Ducasse.
les autres ingrédients
La même exigence de qualité et de sourcing est appliquée aux autres ingrédients entrant dans la composition des tablettes, bonbons, et autres créations de la maison.
Sans en avoir le label, les produits tels le sucre ou les fruits secs sont cultivés comme en bio en prenant soin des sols et en évitant l’utilisation d’intrants. La Sicile livre ainsi à la Manufacture le meilleur de ses pistaches, noisettes, amandes sèches.
conseils d’achat
Pour celles et ceux qui souhaitent mieux connaître le chocolat brut, découvrir ou redécouvrir son goût originel, tenter de comprendre les différences entre les recettes, orientez-vous vers les tablettes.
La maison en propose près de 40 en noir. 12 tablettes « pure origine » à 75% et une à 100% créée spécialement pour confectionner des mousses ou, encore plus insolite, à croquer comme coupe-faim.
La Maison propose 5 tablettes au lait. Une à 55%, presque noire, 3 origines au chocolat à 45% (Java noir fumé très terroir – Madagascar, plus acide – Perou, plus fruité) et un 35% plus blanc.
Le chocolat blanc ne contient pas de cacao, mais seulement son beurre. ne cherchez donc pas ce type de produit ici.
Pour les amoureux de pralinés, sachez qu’il en existe environ 25 différents. Recommandation personnelle, les pralinés grands crus. Un petit plaisir que je m’étais offert avec quelques clients en septembre dernier. Le Pérou avec une note de jasmin, très floral, note d’agrumes ou encore le Java fumé.
Les tablettes et leur packaging ont été dessinés par Pierre Tachon, graphiste du groupe Ducasse depuis de nombreuses années. L’homme travaille également avec Christophe Michalak.
Des portions carrées ou rectangulaires de forme biseautée ont été spécialement pensées. Elles rappellent en effet les briques des murs de la fabrique et permettent une découpe à la taille de la gourmandise du moment.
prix
E partir de 6 euros la tablette de 75 grammes – Coffrets découverte 21 pièces 28€ – ganaches origine 35€ 15 pièces….
cadeaux du chef
Un truc de pro
Nicolas, fils et lui même pâtissier de formation, m’enseigne que bien choisir son chocolat est fondamental pour la réussite des ganaches. Outre le goût, la puissance aromatique, le pourcentage de cacao détermine la capacité de la ganache à se figer. Plus le pourcentage de cacao est élevé plus la ganache fige. Logique puisque le pourcentage indique également la concentration en beurre de cacao….enfin quand on y pense 😉 !!!
Quelques sucrés dont il admire le travail
- chocolatiers : Bernachon, le célébrissime Lyonnais, Patrick Roger, MOF, artiste sculpteur de chocolat,
- pâtissiers : Pierre Hermé, Didier Matray – Pain de sucre
informations pratiques
Le Chocolat – Alain Ducasse – Manufacture à Paris
40 rue de la Roquette
75011 Paris
tél : 01 48 05 82 86
Ouvert du mardi au samedi de 10 heures à 19 heures.
les créations de Pâques en cours d’éllaboration