Restauration, l’assiette tourne t-elle toujours rond ?
Nous y voilà, manque de temps, actualité débordante, j’ai commencé ce billet il y a plusieurs semaines de cela sans jamais trouver le temps qui lui importait. Le sujet est important et pourquoi sommes-nous si peu à en parler ?
A l’heure où la cuisine est devenue une star des médias, où certains professionnels des métiers de bouche, auparavant peu connus du grand public, sont devenus des « stars » tels des acteurs, des sportifs, où la presse enregistre ses seuls résultats positifs grâce au secteur, à l’heure où tout le monde se prétend cuisinier mais en passant de moins en moins de temps en cuisine, où en est la restauration hors foyer ?
- traçabilité des produits – scandale de la viande de cheval…
- l’huile de palme – affaire Nutella
- lobby des géants de l’agroalimentaire qui refusent l’affichage systématique, complet et compréhensible sur l’origine de leurs produits.
- pratiques parfois douteuses des majors de la franchise : produits surgelés, non cuisinés sur place, de mauvaise qualité (trop gras, trop sucrés…), manquant de goût, de vitamines, nutriments.
- standardisation et dégradation de notre alimentation – les étals de la grande distribution regorgent de produits préparés, les français consomment de moins en moins de produits bruts et frais.
- tentatives de valorisation du fait maison – lancement du label « restaurant de qualité »
- effets néfastes de la surconsommation de produits importés tout au long de l’année : augmentation de l’effet de serre, appauvrissement des sols, carences en vitamines, pollution des nappes phréatiques …
- santé : prise de poids de la population et augmentation des maladies liées à l’alimentation
…si nous pouvons agir « relativement facilement » sur ce qu’il se passe chez nous, en changeant nos habitudes d’achat et de consommation, qu’en est-il pour le secteur de la restauration hors foyer ? Le constat est alarmant et l’avenir s’annonce morose si nous laissons les choses continuer ainsi.
A quelle sauce le consommateur va t-il être croqué ?
portrait de la restauration
Brillat-Savarin définissait le restaurateur comme celui « dont le commerce consiste à offrir au public un festin toujours prêt, et dont les mets se détaillent en portions à prix fixe, sur la demande des consommateurs ».
A la fin des jours glorieux de Louis XIV, aucun lieu où les étrangers, de province ou d’alileurs, les gens de passage pouvaient trouver « bonne chère » n’existait. La cuisine des auberges n’était pas fameuse, celles des hôtels et tables d’hôtes offraient peu de choix en matière de mets et d’horaires. Côté traiteurs, seules de grosses quantités étaient proposées. Les délices de la cuisine parisienne était le privilège de quelques-uns au sein des foyers.
Certains y virent une réelle opportunité et décidèrent d’offrir le couvert à tous ceux qui n’y avaient pas accès. Il ouvrirent donc chaque jour à la même heure et pour un prix fixe des établissements proposant un couvert de qualité.
Force est de constater que les choses ont fort évoluées : changement de rythme de vie, diminution du temps consacré aux repas, baisse du pouvoir d’achat, notre quotidien et nos habitudes en matière de restauration hors foyer ne sont plus les mêmes. Désormais les grands acteurs du secteur sont :
- enseignes de restauration rapide
- indépendants, artisans types boulangers, pâtissiers, traiteurs…
- restauration traditionnelle dite « plat du jour »
- restauration gastronomique haut de gamme
L’offre s’est adaptée….mais à quel prix ? Notre santé décline et le goût est un sens de moins en moins développé chez l’homme, des métiers sont en péril.
quelles tendances ?
Les indépendants et artisans en mutation
Que ce soit en restauration rapide ou traditionnelle, l’offre s’étoffe (particulièrement en boulangerie-pâtisserie). Le client veut du choix. Pour pouvoir répondre à ses attentes tout en restant rentable, gagner plus d’argent sans embauche, de plus en plus de professionnels s’en remettent à l’industriel, au surgelé, bref au « fait ailleurs » avec de temps en temps du fait « je ne sais pas comment » et « je ne sais pas avec quoi ».
Bien entendu ceci implique des productions à plus grande échelle, un paysage agricole composé de grosses exploitations propriétés des grands groupes avec méthodes draconiènnes et intensives et…. la mort des petites qui prennent le temps, respectent les saisons, la terre…
Le fast good
Cojean, Boco, Exki, Cactus sont les portes drapeaux de cette nouvelle tendance en restauration rapide et l’on s’en réjouit. Il existe bel et bien une montée en gamme de l’offre de restauration rapide. Le fast good touche tout le monde y compris les établissements gastronomiques. Désormais le burger et les frites se dégustent chez les étoilés, sur la base d’ingrédients très haut de gamme.
Malheureusement l’offre « abordable » reste bien trop anecdotique et parisienne pour être réellement impactante sur la population française. Les efforts des géants du secteur en matière de bio ou de produits dits nutritionnellement corrects sont peau de chagrin et/ou généralement des effets de communication.
La street vending
Désormais on fait de la qualité à en croire les entrepreneurs de ces entreprises. Très prisés des foodists, CSP+ et actifs pressés, les food trucks et autres cyclo porteurs stationnent sur les parking des grandes villes et centres commerciaux pour y proposer une cuisine de qualité à des prix abordables. Un phénomène lui aussi très parisien et venant concurrencer directement les restaurateurs traditionnels, très surveillé par les municipalités. Mais si quelques-uns font véritablement du « bon » n’est-ce pas pas le signe que les autres ne le font pas ?
Qu’on se le dise, les food trucks ne sont pas nouveaux ! Ils ont toujours existé, surtout en province. Ce qui est nouveau c’est un prix relativement cher et l’arrivée de quelques vrais experts de la cuisine dans ce domaine.
mais alors que trouve t-on dans nos assiettes ?
En France, un établissement de restauration sur six est un fast food, 80% des 150 000 établissements fonctionnent avec des produits semi industriels ou finis et les restaurateurs ne sont en aucun cas tenus d’informer le consommateur sur l’origine des produits vendus (sauf viande) ni de leur mode d’élaboration.
Même si l’hygiène « peut être garantie » pendant le process d’élaboration, les informations sur la provenance, qualité et la traçabilité restent opaques. Les géants de l’industrie agroalimentaire pèsent de tout leur poids pour que tout reste en l’état. Informer le consommateur, rendre les choses transparentes, ne semblent par faire partie de leurs choix ; faire du lobby auprès des politiques nationaux et européens, pour que rien ne change, si !
Les restaurateurs, boulangers, pâtissiers, se convertissent de plus en plus nombreux en clients de ces énormes entreprises d’agroalimentaire. Ces dernières leurs parlent de rentabilité, de gain de temps, de régularité, d’aspect du produit. Ces géants chez qui tout le monde s’approvisionne se nomment entre autres : Metro Cash & Carry, Pomona, Davigel, Brake, Procash, Bridor…
Conséquences ?
Une uniformisation alarmante de la restauration hors foyer :
Nous consommons tous la même chose et partout. Les saveurs et les aspects sont similaires. Avec ce système notre sens du goût, notre patrimoine gustatif mais aussi visuel se réduisent comme peau de chagrin. Non les plats, eussent-ils le même nom, n’ont pas le même goût partout en France et à toutes les périodes de l’année. La provenance, date de récolte des produits utilisés, la recette, sont autant des facteurs susceptibles de générer des goûts et des souvenirs gustatifs différents.
Les fruits et légumes issus de pays lointains n’ont pas la même saveur que ceux cueillis à maturité près de chez nous. Leurs qualités nutritionnelles sont également différentes.
La tropézienne se déguste désormais à Deauville comme dans sa ville éponyme. L’identité et l’histoire régionale de nos plats nationaux se perd. Mais où est passé le plaisir de déguster une spécialité locale sur place, de garder certaines choses exceptionnelles ? A force de vouloir consommer de tout toute l’année près de nous et pas cher, la qualité et le goût de ce que nous consommons se dégradent.
comment en savoir plus et un jour être certains de ce que nous mangeons ?
Certains ouvrent des enseignes de « fast-good », mais le modèle est compliqué à démultiplier sur le terrain. Celles qui fonctionnent restent majoritairement indépendantes et localisées dans la même ville. Comment une enseigne nationale peut-elle garantir que tout est fait sur place, chaque jour avec des produits de qualité ? Difficile à réaliser lorsque l’on sait que les entrepreneurs souhaitant devenir franchisés cherchent avant tout la rentabilité et une tranquillité relative de la part du franchiseur.
L’état, sous la pression des associations de consommateurs et de quelques restaurateurs fervents défenseurs de leur métier, convaincus de leur vocation, planchent sur la question. Disons le franchement, notre cuisine gastronomique classée au patrimoine de l’humanité se meurt petit à petit. Identifier les établissements proposant du « Fait maison » est compliqué.
Deux labels existent à ce jour
- Le premier, d’état « Maître restaurateur » existe depuis plusieurs années. Délivré par le préfet, il garantit que 51% minimum des produits utilisés sont bruts et cuisinés sur place. Soumis à la vérification d’un organisme indépendant de contrôle, le ministère qui en a la charge ne le valorise ni auprès de la profession ni auprès des consommateurs. Moins de 3 000 établissements sont estampillés alors que potentiellement 20 000 seraient éligibles.
- Le second, mis en place cette année par quelques grands chefs (Alain Ducasse, Joel Robuchon, Anne-Sophie Pic…, sont redondants avec le premier. Il garantit moins au consommateur. Une simple plaque, pas de contrôle indépendant ni de cahier des charges. Un système de cooptation…bref pas sérieux tout ça, ça ressemble à un coup de communication.
Comment réagissez-vous à tous cela, le saviez-vous, quel est votre avis ?