L’Italie du sud et ses délices d’initiés (2/3) : les tomates pelées en boîte
Second épisode de cette série en trois épisodes consacrée aux délices d’initiés de l’Italie du sud. Après la pasta Di Gragnano (épisode1), la pâte sèche de blé dotée d’une AOP, voici venir de la tomate entière pelée en boite italienne.
Un produit tout simple en apparence, peut être même désuet aux yeux de certains, mais plein de savoureux souvenirs : lasagne, osso buco, mijotés de viandes… rôtis…Ce fruit juste déshabillé, de forme allongée, emprisonné dans sa boîte, est institution familiale qui perdure alors que sa consommation mondiale ne cesse de baisser.
Les ménages délaissent petit à petit ce produit très peu transformé pour des sauces déjà cuisinées dont on ne sais jamais vraiment ce qu’elles renferment ni d’où viennent leurs composants. Fait intéressant, les restaurateurs italiens du monde entier sont de gros consommateurs. En 2003, Databank donnait les chiffre suivants : 2/3 de la production se vendait en b to c et 1/3 en b to b en restauration, hôtellerie et catering.
Saviez vous que pour avoir le droit de porter son nom de pizza « Napolitaine », celle-ci doit impérativement être préparée avec de la tomate entière pelée ?
Allons percer les secrets de la tomate allongée
qu’y a t-il dans la boite ?
Les conserves de tomates pelées se composent à 70% de tomates ovales entières et à 30% de coulis, mélange de tomates rondes et de peau. Un fruit quasi brut, sans additifs avec une forte concentration en lycopène, puissant antioxydant (la peau des tomates incorporée dans le coulis explique cette concentration). Les tomates rondes sont elles utilisées pour produire concentré, passata, coulis et autres produits.
Niveau gustatif, un bon gout de tomate murie au soleil à cuisiner sans modération
culture
Second producteur mondial de tomate pelée entière en boîte derrière la Californie, l’Italie devance la Chine (grrr un frisson me parcourt le dos), la Turquie et l’Espagne.
Présente dans tout le pays, les régions de forte production se situent dans le centre et au sud, avec une concentration particulière dans les provinces de Salerne et de Naples où je me trouvais. Cultivé en pleine terre, le fruit qui rougit est gourmand en eau. Sa culture nécessite une localisation en zones où l’irrigation est possible.
Les méthodes de récolte ont évolué avec le temps et les italiens ne s’en cachent pas. L’ère est à la mécanisation : gain de productivité, hausse des bénéfices, compétitivité face aux autre pays producteurs…
80% des tomates industrielles sont récoltées de cette façon, les 20% restants le sont manuellement.
La récolte à l’ancienne se fait principalement pour les raisons suivantes :
- Selon le type de tomate, celles qui ont des cycles de production réglementés par des marques spécifiques de qualité comme les tomates de San Marzano, DOP ou cerises,
- Lorsque le sol n’est pas adapté à la récolte par des machines
La saison de la récolte débute généralement en août et s’étend jusqu’à début octobre.
mise en boîte
Une fois la récolte amorcée, la production s’effectue quasiment en flux tendu. Les tomates arrivent dans les usines, sont triées plusieurs fois mécaniquement (sont éliminées les tomates vertes, fendues, pourries ou avec d’autres impuretés), lavées, calibrées, passées à la vapeur pour en décoller la peau, pelées avant une dernière sélection manuelle, puis mises en boîtes, étiquetées, packagées, stockées et enfin acheminées vers leur lieu de vente.
Le procédé de mise en boîte et de traitement thermique (appertisation**) fut importé en Italie depuis la France par Francesco Cirio, négociant en fruits et légumes, à la fin du 19ème siècle (une société aujourd’hui propriété du groupe Conserve Italia l’un des plus grands dans l’industrie agroalimentaires en Europe).
choisir et acheter
Notre marché français se distingue une nouvelle fois des autres. Pourquoi ? Les tomates pelées se trouvent quasi exclusivement sous des marques de distributeurs dans les hypers et supermarchés. Pas de marque ni de catégorie premium chez nous. Si l’on demande pourquoi aux entreprises de transformation…la réponse est un peu vague.
Je vous conseille donc les tomates pelées entières bio, si vous en disposez dans votre magasin. Mieux encore, si vous trouvez des Tomates ?Pomodoro San Marzano dell’Agro Sarnese-Nocerino bénéficiant d’une AOP (en raison de leur lieu de culture, de leurs qualités, de leur récolte à la main dans les épiceries fines et chez les traiteurs italiens), faites le plein. La conserve, c’est fait pour ca !
L’ANICAV (l’Association nationale des conserves de légumes) nous garantit des tomates sans OGM. Vérifiez bien le pays de production et donc la non présence d’OGM. En France, les denrées et ingrédients alimentaires préemballés, ou pas, doivent afficher la présence d’OGM sur leurs emballages dès lors que le taux d’OGM ou de dérivés est supérieur à 0,9 % (en savoir plus sur la réglementation).
Alors dans le doute, n’hésitez pas à ouvrir l’?il, à lire les étiquettes pour manger bon et le plus sain possible.
un avenir dans nos linéaires un peu flou
En effet, l’ensemble du marché de la conserve risque d’être bouleversés au 1er janvier 2015. La France souhaite interdire l’utilisation du bisphénol A* sur tous les contenants alimentaires (bouteilles en plastique, canettes et boîtes de conserve). Les industriels n’ont pas tous les moyens financiers, techniques ou encore de timing pour faire face à ce changement.
Un sujet à suivre car cette position n’est pas actuellement partagée par l’UE qui subit le fort lobby des industries agroalimentaires.
* Le bisphénol A est un composant chimique considéré comme un perturbateur endocrinien (susceptible d’altérer le fonctionnement du système hormonal et donc d’être à l’origine de certains cancers ou de troubles de la reproduction).
** appertisation : procédé inventé par Nicolas Appert, confiseur français consistant à détruire bactéries et toxines des aliments par stérilisation à la chaleur dans des récipients hermétiquement clos.