Rencontre avec Eddie Benghanem, chef pâtissier du Trianon Palace

Un an après ma rencontre avec lui à la finale du concours du Meilleur Macaron Amateur 2015 organisée par Arnaud Larher à Paris, me voici assise au Trianon Palace à Versailles en face de l’un de nos plus grands Chefs Pâtissiers pour une savoureuse interview/dégustation ; le nom de ce Chef, Eddie Benghanem.

Rencontre avec Eddie Benghanem, chef pâtissier du Trianon Palace
Le lobby de l’hôtel et sa causeuse du XIX immortalisée en dessert de Noel en 2013.

Comme lui, sa pâtisserie est précise, exigeante, maîtrisée, raffinée, lisible, créatrice d’émotions, moderne comme avec ce premier dessert dégusté ; un sorbet agrumes qui a su me replonger dans de doux souvenirs d’enfance,.

Rencontre avec Eddie Benghanem, chef pâtissier du Trianon Palace

Les créations de son chariot de desserts révèlent une personnalité bien distincte avec un travail technique, de beaux jeux de textures, une élégance des lignes. Une simplicité qui, bien entendu, n’en est pas une. Eddie Benghanem et son équipe déclenchent des émotions faisant autant appel au passé, qu’au présent.

rencontre

La majestueuse Galerie de l’hôtel nous accueille à l’heure de son afternoon tea désormais quotidien.

Rencontre avec Eddie Benghanem, chef pâtissier du Trianon Palace

Eddie Bengahnem, quelles raisons expliquent votre amour pour la gastronomie – d’où vous vient cet insatiable appétit ? 

Tout d’abord j’aime manger ! Sucré ou salé, j’aime tout (sourire). L’effet de la nourriture est immédiat, c’est quelque chose de simple. Depuis tout jeune je mange de tout, je goûte sans cesse. Lorsqu’un plat m’interpelle, je cherche à savoir, à comprendre le pourquoi du comment, je tente de décrypter la façon dont les choses fonctionnent. La notion de partage, du plaisir de la « bouffe », est également fondamentale. Enfin, succédant à l’aspect primaire de la nourriture, donner à manger à l’autre est également acte subtil, délicat. Il demande de la passion, beaucoup d’amour. Je suis un terrien, je ressens les choses avec beaucoup d’intensité et ce qui me fait plaisir, c’est faire plaisir (sourire).

Les émotions, je cherche avant tout les émotions ! Etre Chef pâtissier me permet d’en procurer aux autres et d’en recevoir.

Rencontre avec Eddie Benghanem, chef pâtissier du Trianon Palace
Tarte aux pommes.Base céréale croustillante au chocolat blanc – biscuit moelleux – gelée de jus de pomme, pomme cuite en lamelles….

Vous parlez d’émotions, quelles sont les choses capables de vous en procurer ?

Rien de meilleur qu’un croissant au léger goût de levain, une crêpe bretonne. J’aime les choses directes, c’est bon, ca fait du bien. Je me souviens d’un abricot émondé farci d’une crème d’amande, servi avec un caramel à l’abricot et coulis dégusté chez Christophe Michalak….(songeur). Beaucoup de choses sont capables de me toucher. La gastronomie en est une, l’art, les gens, ce qu’il se passe autour de nous… en sont d’autres

Rencontre avec Eddie Benghanem, chef pâtissier du Trianon Palace
Tarte aus pommes – coupe des différents éléments.

Depuis près de vingt ans, vous exercez votre métier dans l’hôtellerie de luxe, pourquoi ce choix ?

J’adore ça ! L’hotellerie de luxe me permet d’allier le métier côté boutique et côté dessert à l’assiette et ce tous les jours. La diversité est intéressante. Toutes ces années passées dans différents établissements m’ont également permis de développer des compétences plus généralistes comme le management, les achats, la logistique….et la gestion des problèmes … souvent (sourire). Dans notre domaine le client est extrêmement exigeant, son avis, ses envies nous sont transmises par les équipes et nous devons réagir très vite. Eux et moi avons ce point commun : l’exigence vis à vis de ce que je fais. Durant mon parcours certaines expériences ont été plus difficiles que d’autres mais elles ont souvent été aussi les plus enrichissantes. L’hotellerie de luxe est celle qui m’a offert l’opportunité de devenir Chef pâtissier et de m’exprimer librement au travers de ma pâtisserie.

Rencontre avec Eddie Benghanem, chef pâtissier du Trianon Palace
Tarte yuzu, framboise, basilic et sa meringue vapeur.

Vous avez fait le choix de quitter Paris, sans en être trop éloigné non plus 🙂

C’est juste.

En 2009, la Directrice en place au Trianon Palace a su me convaincre de rejoindre l’équipe de Gordon Ramsay. C’était une belle opportunité, je suis parti à Versailles et resté fidèle à moi-même. Mon niveau d’exigence et de qualité est aussi important ici qu’à Paris ou ailleurs. J’ai juste plus de recul et un cadre fabuleux. De plus, l‘appel des sirènes ne m’intéresse pas. Ici je fais ce que j’aime, de la façon que j’aime, et je suis loin d’être blasé. Cela fait 7 ans maintenant.

Rencontre avec Eddie Benghanem, chef pâtissier du Trianon Palace
Tarte yuzu, framboise, basilic et sa meringue vapeur- coupe

A en lire les nombreux articles vous concernant, votre credo serait de revisiter les classique, êtes vous d’accord ?

(Sourire) On met les gens dans des cases mais l’important n’est pas là.
L’important, le viscéral dans tout cela est l’origine du métier ! Le côté revisité a un côté un peu prétentieux par rapport à nos pères fondateurs. Ce qui m’intéresse c’est d’abord comprendre, décortiquer l’ADN d’un dessert auquel je vais ajouter ma personnalité et ma perception des choses. J’aime les choses lisibles, claires, logiques, sans trop de parasites. J’aime comprendre ce que je mange. Je suis un obsessionnel, difficilement satisfait. Je cherche l’essence de la pâtisserie de nos pères pour créer la mienne que ce soit en travaillant sur des bases classiques ou totalement nouvelles.

Rencontre avec Eddie Benghanem, chef pâtissier du Trianon Palace
Le chou café, noisette avec son chou dans le chou pour plus d’intensité café.

Quels changements le passage au statut de Chef pâtissier a t-il permis ?

Lorsque je suis revenu au Ritz en tant que Chef Pâtissier, j’ai commencé à construire ma propre identité. On m’a laissé carte blanche, on m’a fait confiance. Cette maison peut paraitre un peu froide pour les personnes de l’extérieur mais c’était une maison de famille, celle qui m’a laissé l’opportunité d’être chef.
Apprenti je m’émerveillais de tout mais je pensais trop à la technique. Elle est indispensable, mais avec les années, une fois maitrisée, on apprend à lâcher prise et à écouter ses émotions, à sentir les choses et à s’exprimer enfin. A 43 ans je commence juste à apprécier à sa juste valeur ce que je crée.

Devenir Chef pâtissier signifie également sourcer ses produits, avoir la liberté de choisir ! Il faut être extrêmement exigent, rigoureux. Prenez les oeufs et une crème au caramel : travailler avec des oeufs pasteurisés n’a pas grand intérêt. Il faut aller plus loin, J’aime la recherche que le bon produit implique, j’aime les remises en question sur les fondamentaux.

Aujourd’hui je m’éclate, je suis libre (sourire). Je fais des essais ! Je redécouvre le bonheur des choses simples et fondamentales avec une autre vision. Une génoise, une crème au beurre et un glaçage au fondant. les émotions remontent, c’est magique, non ? (sourire)

Rencontre avec Eddie Benghanem, chef pâtissier du Trianon Palace
Praliné noisette à la vanille et décan, coco glacée, sur lit de mangue et passion.

Que pensez-vous de la pâtisserie de boutique ?

C’est l’essence du métier !

Faire un dessert à l’assiette, c’est facile (sourire). Entendons-nous bien, pour un professionnel, avec des années d’expérience, bien entendu. Il faut admettre qu’il y a plus de contraintes qu’en hôtellerie où nous pouvons nous permettre de faire des choses montées au dernier moment et présentées de manière beaucoup plus apprêtée. En boutique, les contraintes sont toutes autres. Les gâteaux doivent être beaux, bons, se conserver et se transporter.

Claire Damon, des Gâteaux et du Pain est un Chef pâtissier talentueux. J’admire beaucoup son travail et la façon dont elle arrive à me surprendre. Ahh sa tarte citron ananas …

Rencontre avec Eddie Benghanem, chef pâtissier du Trianon Palace
La Galerie

Avec les années le métier évolue, notamment sous l’impulsion des médias, qu’en pensez-vous ?

Les techniques sont plus ouvertes aujourd’hui . Désormais les recettes sont connues de tous alors qu’auparavant elles constituaient une récompense et on les gardait sous le sceau du secret.  L’évolution est une chose positive mais attention à ne pas aller trop loin et tout dévoiler. Tout dire, tout montrer, c’est un peu galvaude le métier, lui enlever de la beauté, du mystère. Echanger, donner des infos, oui en garder un peu c’est bien aussi.

Aujourd’hui notre métier demande une nouvelle compétence, nous devons apprendre à gérer les médias, la communication. Les jeunes sont naturellement plus doués pour ça.

Côté image, les médias comme la télévision, la presse nous ont mis en avant et c’est très positif mais il faut bien que le public sache qu’on ne peux pas être un bon et grand pâtissier en 3 ans. C’est un métier dur, apprentissage qui demande du temps, de la passion, de la résistance, des sacrifices.  C’est facile quand on aime ça mais, ça peut être aussi très dur lorsqu’on ne vit pas pour ce métier. 

Rencontre avec Eddie Benghanem, chef pâtissier du Trianon Palace
Douceurs à l’heure du tea time : scone, mousse aux deux chocolats et gré de cacao, Chamonix, sablé

Vous incarnez l’artisanat, le goût, l’excellence, que représente l’agro-alimentaire pour vous ?

C’est intelligent. Je n’ai pas dit bon, attention (sourire). L’agroalimentaire a une puissance de recherche incroyable et innove sans cesse. Je suis très curieux de ces évolutions, donc j’observe, je teste de temps en temps. Prenons la biscuiterie suisse, ce qu’il y a dedans n’est pas très bon mais ils ont une manière de faire qui n’appartient qu’à eux. Bien entendu on voit le pire du pire dans ce secteur mais il existe également quelques trucs incroyables. Un dessert qui m’étonne par exemple : le Viennetta. j’aime la texture, la mache, ça fonctionne !

Je ne suis ni pour ni contre le fait de travailler avec l’agroalimentaire. Je veux juste savoir où je mets les pieds. Je veux que ce soit bon. Faire quelque chose dont le résultats final ne me plait pas et travailler avec une marque dont je n’ aime pas les produits n’est pas envisageable.

Rencontre avec Eddie Benghanem, chef pâtissier du Trianon Palace
Magnifique cake

bio en quelques dates clés

  • 1973 : naissance à Maison Alfort
  • 1989 : l’apprentissage et commis au Ritz
  • 1996- 1999 Crillon aux côté de Christophe Felder
  • 2001 : participe ouverture du George V à Paris en tant que sous-chef pâtissier avec Laurent Jeannin
  • 2002  : Le Ritz où il devient chef-pâtissier aux côtés de Christophe Felder
  • 2009 : Chef pâtissier au Trianon Palace Waldorf Astoria de Versailles.
  • 2004 : Eddie Benghanem termine finaliste aux MOF (Meilleur ouvrier de France)

Rencontre avec Eddie Benghanem, chef pâtissier du Trianon Palace

l’hôtel

  • 1907, un certain Monsieur Weill Martignan, entrepreneur, projette de construire à Versailles un hôtel de luxe et donne à sa société le nom de Trianon, inspiré par la proximité du lieu avec le Petit et le Grand Trianon du Parc du Château de Versailles.
  • 1910 L’hôtel ouvre ses portes. Des personnalités comme Sarah Bernhardt, Marcel Proust, le banquier Lafitte ou encore l’aviateur Santos-Dumont y séjournent
  • Réquisitionné comme hôpital pendant la première guerre mondiale, siège du Comité Militaire Interallié, le lieu devient historique lorsqu’y fut signé le Traité de Versailles.
  • La paix revenue, l’hôtel Trianon Palace reprend sa place d’institution mondaine. Paul Valery, Sacha Guitry et Marlene Dietrich mais aussi John Rockefeller et Paul Getty y séjourneront à l’occasion de leurs passages parisiens usque dans les années 1990. Il est alors racheté successivement par différents investisseurs.
  • En 2009, le Trianon Palace intègre la chaîne hôtelière Waldorf Astoria, groupe Hilton Hotels Worldwide qui compte plus de 4000 hôtels dans 91 pays à travers le monde.

L’hôtel propose deux restaurants, l’étoilé au Guide Michelin Gordon Ramsay au Trianon, et la brasserie contemporaine La Véranda

Rencontre avec Eddie Benghanem, chef pâtissier du Trianon Palace

informations pratiques

Afternoon tea servi tous les jours.

Trianon Palace

1 Boulevard de la Reine,

78000 Versailles
Téléphone :01 30 84 50 00

 

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