Interview Franck Lacroix, la pâtisserie sous influence

Interview Franck Lacroix, la pâtisserie sous influence

Second interviewé de notre saga « la pâtisserie sous Influence » : Monsieur Franck Lacroix. Après Pierre Hermé, invité en tant que chef pâtissier, place au journaliste.
Rédacteur en chef du Journal du Pâtissier, titre professionnel référent édité par la Confédération Nationale des Artisans Pâtissiers Chocolatiers, Glaciers Traiteurs, Franck Lacroix goûte, visite, interviewe, assiste à tous les concours professionnels. Accro aux bons desserts, il l’est aussi aux bons mots lorsqu’il parle de ce qui le passionne.

La pâtisserie sous influence - invité Franck Lacroix
Faites vous partie de ceux que l’on qualifie d’influenceurs dans le milieu du sucré ?

Je vais répondre … autrement – sourire.
Mon métier consiste à être une sorte d’Ambassadeur – sourire, de Consul- sourire. Je porte la bonne parole de la pâtisserie artisanale française à nos pâtissiers disséminés à travers le monde afin que l’on continue à déguster de bons gâteaux.
Soyons fiers ! Les meilleurs professionnels sont, à ce jour, toujours gaulois. Dans le monde, lorsqu’un établissement de luxe recherche un pâtissier, ses recherches s’orientent avant tout vers un français. C’est pour participer à cette belle aventure que je fais ce métier, pas pour être connu – sourire.
Je suis un spectateur privilégié, positif et il faut que cela reste ainsi – sourire

L’influence de la pâtisserie industrielle haut de gamme flotte t-elle sur les vitrines de nos artisans pâtissiers  ? 

Tout ça pourrait en effet être perturbé par l’industrie.
C’est terrible à dire mais aujourd’hui il existe des boutiques qui proposent exclusivement des desserts industriels tous faits. Aujourd’hui on peut ouvrir une pâtisserie sans savoir réaliser le moindre gâteau. Les produits sont sur catalogue ! Ils ressemblent à ceux des meilleurs artisans, normal ils sont directement inspirés par ceux des chefs, et bien entendu ils sont vendus moins chers … Des « malins » incapables de réaliser de belles pièces montées personnalisées pour leurs clients..

Heureusement pour l’artisanat, l’industrie n’utilise pas encore d’excellentes matières premières dans ses desserts. Elle reste en dessous au niveau du goût.
Il faut rester extrêmement vigilants et continuer à échanger, éduquer, informer et à promouvoir le goût. Les effets de l’industrie sur la dégradation du goût font peur. Les consommateurs s’habituent, sans s’en rendre compte, au « mauvais goût ». Ils ne partagent plus leurs ressentis autour d’un plat. Exit les dimanche en famille autour d’un bon gâteau et bien d’autres encore.

A l’inverse l’industrie influence-elle nos chefs ?

C’est étonnant mais non. En terme de recettes, c’est encore l’inverse qui prévaut. A l’instar de nos chefs, l’agroalimentaire s’est mise à faire des Paris Brest, des macarons…. Elle utilise du Yuzu et autres produits exotiques. Ce qui diffère ? La clientèle. Celle de l’industrie, souvent, ne souhaite pas payer le prix du fait maison. Sans doute certains n’osent ils pas non plus pas, à tort, pousser les portes des grandes maisons ou d’un pâtissier connu.

Dessert signé Dominique Costa
Quels ont été les premiers chefs sucrés à avoir eu de l’influence dans les médias ?

Ce sont avant tout des pâtissiers d’hôtel de luxe.
Le premier d’entre eux ? Christophe Michalak. Arrivé en 2000 au Plaza Athénée, le palace amorce le mouvement en décidant de communiquer sur son chef. En 2005 lorsque Christophe Michalak revient avec son titre de champion du monde, les retombées médiatiques sont énormes. Le sucré se diffuse alors dans les médias.

La notoriété d’un chef exerce t-elle une influence sur le prix d’un gâteau ? 

Oui. On le voit avec des chefs comme Pierre Hermé ou Cédric Grolet ou avec de grandes maisons. II existe une réalité des coûts. L’un est installé avenue des champs Elysées l’autre avenue de l’Opéra, à Paris, Ils travaillent avec des matières premières de haute qualité, comme la vraie vanille dont le prix a explosé…
Si l’on est connu oui, on peut vendre plus cher, c’est une évidence. La haute patisserie est un luxe, un vrai. Il reste très abordable au regard d’autres produits, il faut le dire.

Qu’est ce qui a, selon vous, a le plus influencé le travail des pâtissiers ces 20 dernières années ?

Plusieurs choses. Le matériel et la technologie en premier. Les avancées en matière de moules et notamment ceux en silicone ont ouverts des perspectives créatives incroyables. En matière de technologie, la cuisson sous-vide a envahi cuisines et labo et on nous parle déjà de cuisson par ultra sons. 

Les ingrédients viennent en second. La tonka, le muscovado, le timut, le yuzu, et autres agrumes exotiques sont désormais monnaie courante. Certains ont été détournés  et redécouverts. C’est le cas de la feuillantine : des chutes de crêpes dont on nourrissait les cochons. Nous pouvons aussi parler de la quête de l’essence du goût au travers de ces ingrédients. C’est l’arrivée de l’insert praliné au milieu du traditionnel Paris Brest de la Pâtisserie des Rêves.

La pâte des chefs a aussi marqué notre époque. Christophe Michalak a eu l’idée de coucher le millefeuille sur la tranche. On peut désormais en admirer tout le travail. Christophe Adam lui s’est attaqué à l’éclair. trop simple, le chocolat, le café. Le chef propose 25 goûts différents dont plusieurs chocolats, vanilles….Il réduit le format et choisit de les décorer….

L’évolution des formations a elle aussi fait avancer le métier. Nous avions les écoles classiques. Sont arrivées les écoles privées montées par des chefs et notamment celles des Meilleurs Ouvriers de France comme Stéphane Glacier. Les formations jouent désormais à domicile, directement dans les maisons qui le souhaitent pour y dispenser des conseils désormais personnalisés.

La diffusion de l’influence sucrée a t-elle changé  ? 

Aujourd’hui, au contraire d’hier, tout le monde est devenu son propre media. Les pâtissiers, grands ou petits, communiquent et le doivent.
D’abord est arrivé internet. Les chefs ont donc eu des sites. Certains sont devenus marchands par la suite. Puis les réseaux sociaux ont fait leur apparition. Facebook est devenu un moyen de communication direct. Avant cela les pâtissiers sortaient pas de leur labo, ils se cachaient même.
Rappelons nous qu’il aura fallut attendre 2010 et le documentaire, La revanche des pâtissiers pour que le grand public découvre que notre pâtisserie artisanale était extraordinaire.
Ceci alors que Christophe Michalak avait déjà lancé le Gâteau de mes rêves sur Téva. Depuis, on ne compte plus les programmes télévisés sur le sujet.

Journalistes, instagrameurs , YouTubeurs l’influence évolue, quel oeil portez vous sur cette évolution ?

L’influence est devenue plurielle.

Les pâtissiers font leur promotion ; les youtubeurs font le buzz ; les instagrameurs l’actualité et les journalistes écrivent l’histoire. Pourquoi ? Tous à l’exception du journaliste sont dans l’immédiateté. Ce dernier met en perspective par rapport à hier et vis à vis de demain. Pour les blogueurs je n’ai pas de regard car je ne lis pas ce qu’écrivent les autres sur le métier. J’utilise mon temps libre pour autre chose. 

La crédibilité de l’ensemble de ces influenceurs tient, selon moi, à l’honnêteté dont il font preuve… ou pas – sourire.

Utilisez- vous les réseaux sociaux à titre personnel ?

Oui, partager mes découvertes, les émotions, une idée graphique ou gourmande uniquement.

Les notations des grands concours ont-elles évolué au cours des dernières années ? 

Oui. La note de dégustation est revenue se placer sur un pied d’égalité avec l’artistique. On revient à l’équilibre. 

Par quoi sont influencés vos choix rédactionnels ? 

J’ai une totale liberté d’action dans mon travail. Logiquement et déontologiquement, je m’interdis de parler de pâtisserie industrielle ou de leur vendre des espaces publicitaires

Depuis longtemps les pâtissiers évoluent entre innovation et tradition. Nous avons décidé de faire de même dans le Journal. Nous avons beaucoup de sujets à aborder : les grands marronniers, la Galette, la Saint-Valentin, Pâques… fêtes des mères et pères, les bûches. Viennent bien entendu les portraits et les rencontres avec les chefs. Nous revisitons  aussi les grands classiques, parlons des concours, des salons, des lives….

plus d’informations

Le Journal du Pâtissier
chocolatier – glacier – confiseur – traiteur

Adhérez en ligne

Crédit photos : Thierry Caron

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

CommentLuv badge

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

%d