Tendances, tout devient petit en pâtisserie
En quelques centaines d’années, les formats de nos pâtisseries et de nos desserts ont fondu comme beurre au soleil !
[su_quote]L’époque du dimanche midi où l’on partageait en famille, après une semaine d’attente, un bon gros gâteau venu de chez son artisan pâtissier acheté à la sortie de la messe est quasiment révolue.[/su_quote]
C’est un fait, le dessert familial, né au XIX ème siècle, à quasiment disparu des vitrines des grandes villes et de nos tables. Que s’est-il passé ? Quelles raisons expliquent cette évolution vers le tout individuel voire à la bouchée ?
Franck Geuffroy, Directeur de la Pâtisserie chez Ducasse Education a accepté de se pencher sur le sujet avec moi.
[su_note note_color= »#e0fbbe » radius= »20″]Franck Geuffroy et moi, nous sommes rencontrés il y a plusieurs années de cela, alors qu’il chapeautait le pôle sucré de l’école de Cuisine Alain Ducasse du 16ème arrondissement de Paris. Sa tarte aux fraises, format familial ;-), entre autres créations bien-entendu, est pour moi la plus jolie et l’une des plus savoureuses qu’il m’ait été donné de gouter. Le Chef, vice champion de France du dessert et 1er prix de dégustation en 1998, a travaillé, entre autre, au Crillon aux côté de Christophe Felder, au restaurant Alain Ducasse Plaza Athénée avant de rejoindre Ducasse Education. Il y est aujourd’hui Directeur de la Pâtisserie. [/su_note]
du format familial à l’individuel
anglo-saxonisation
Malgré le choc du Brexit, force est de constater que nos habitudes alimentaires elles continuent à s’inspirer très fortement de celles nos voisins d’outre Manche. Le sacro-saint rituel francophone – entrée – plat – dessert a, en effet, sur les années, cédé la place à des prises alimentaires, plus nombreuses, moins longues et avec moins de plats.
Un changement qui appelle naturellement une évolution de ce que nous mangeons (plats, recettes…) et de ses corollaires (formats, packaging…).
nomadisme
Avec les années les villes se sont considérablement développées. Conséquence, parmi d’autres : l’allongement de la distance et du temps de trajet travail-domicile. 50 minutes étant la durée quotidienne moyenne de l’aller-retour (source Le Figaro) du français. Ajoutons à cela le développement des loisirs, du temps personnel… bref le temps de rentrer déjeuner à la maison est révolu. Les français font, depuis plusieurs années, de plus en plus appel à la restauration en hors foyer (RHF). Manger rapidement, à toute heure et en tout lieu et au gré de ses envies… Bienvenue à l’heure de « l’errance » culinaire.
évolution de la structure familiale
Je vous parlais de famille dans mon introduction. Revenons-y ! Depuis les années 60 sa structure traditionnelle a, elle aussi, beaucoup évolué. Les compositions, décompositions et recompositions familiales sont légion. Le célibat dure plus longtemps. Il va et vient… Ainsi les portions, pour trouver preneur, s’adaptent à la taille de ces foyers.
évolution techniques
Ces évolutions sociétales ne sont néanmoins pas les seuls facteurs d’explication du phénomène. Il s’avère en effet important de prendre également en compte des données techniques et technologiques appliquées au métier même de pâtissier.
Au rang de celles-ci, les découvertes de nouveaux matériaux comme le silicone par exemple, mais aussi du développement des modes de cuissons, de réfrigération…Grâce à eux les professionnels donnent, bien plus facilement, libre cours à l’individuel. Des avancées qui permettent en outre de repousser toujours plus loin les limites de la créativité et de l’esthétique.
évolutions créatives
Comme toujours certains ont initié le mouvement. Franck Geuffroy souligne que la pâtisserie format « mono » s’est énormément développée sous l’impulsion des Chefs Pâtissiers de Palace. Christophe Michalak fut le premier d’entre eux à parler de « pâtisserie bijou ». Des desserts individuels plus créatifs, extrêmement soignés, plus légers en sucre, avec des textures nouvelles. Des produits extraordinaires avec un soucis extrême du détail.
Devenu objet de luxe et de convoitise à l’heure de la crise, la pâtisserie individuelle s’expose alors dans les médias aux côtés de ses créateurs les plus connus. Le grand public commence à y prendre goût. L’ensemble de la profession saisit les enjeux et s’inspire alors de ces grands chefs. Les petits formats se développent un peu partout.
Enfin notons que ces évolutions ont également été impulsées par le consommateur lui-même. En quête de nouvelles sensations gustatives depuis quelques dizaines d’années, il a su développer son sens de la « traque foodienne« . Les nouveaux goûts, les bonnes adresses, et le partage « social » sont devenus un véritable baba dada.
de l’individuel, au mini
Plus c’est petit … plus c’est mimi et ça les pâtissiers l’ont bien compris !
Légitimé en tout premier lieu par le Dieu « Macaron », des concept stores comme Popelini en 2011, les Fées Pâtissières en 2015 (fermées depuis) ont rebondi sur le format. Les minis desserts, outre mignardises de traiteurs, avalés en une bouchée fleurissent un peu partout.
Ces deux dernières années le Café Pouchkine avec ses Pouchkinettes ou encore les sablés de la pâtisserie Bontemps, plus récemment les minis de Gâteaux Thoumieux, pour ne citer qu’eux…se sont lancés dans la course.
Alors que pour beaucoup le rikiki rime avec « low » calories, et permet de goûter à un maximum de choses pour un prix qui semble correct… ne nous y trompons pas. Franck Geuffroy me le confirme : diminuer les formats à ce point a un impact direct sur le goût. Plus la taille d’un dessert est petite, plus il faut proportionnellement en diminuer le nombre de saveurs et équilibrer les éléments de façon spécifique. Plus un dessert est petit plus sa composition est simple.
Prenons l’exemple d’un glaçage. Sur un dessert familial, il sera particulièrement bien équilibré au regard des autres composants. Au format individuel il représentera beaucoup plus de poids. En mini ce taux augmentera encore.
Pour apprécier l’étendue du travail d’un pâtissier, ce type de format, mini, n’est pas suffisant. Le professionnel n’a malheureusement pas la possibilité d’y exprimer l’étendue de son savoir-faire.
et côté coûts
Et bien, comme pour beaucoup de choses, plus c’est petit, plus c’est cher.
L’individuel et le mini demandent minutie de la part de l’artisan, une compétence naturellement chronophage et coûteuse. Un coût qui se répercute automatiquement sur le prix de vente. Attention néanmoins aux minis. S’ils sont chers, le travail est souvent, comme on le disait, moins poussé que pour le dessert individuel. Un petit chou rempli de crème, si bonne soit elle, ne demande pas le même coût produit, ni homme, qu’un entremets avec plusieurs préparations et des fruits frais par exemple.
[su_quote] Le format individuel se trouve désormais partout, le mini se développe et quant au format familial, et bien si vous n’en trouvez pas, vous pouvez toujours passer commande auprès de votre artisan pâtissier ;-).[/su_quote]